Pendant qu’on swipe, scrolle et like dans un coma numérique, le monde glisse vers un techno-fascisme empaqueté façon start-up. Un néofascisme en costume trois-pièces, repeint au vernis digital, qui recycle les obsessions du fascisme d’hier sous un filtre glamour. Les vieilles ordures, haine raciale, brutalité politique, culte du chef, s’enrobent de marketing pour rester présentables dans une démocratie qui n’a plus que sa carcasse.
L’illibéralisme jure nous protéger ; en réalité, il pille tout. Il matraque la justice, bâillonne les médias, dissout le parlement, et reprogramme l’État pour flatter les instincts nationalistes les plus bas. Toujours les mêmes cibles : minorités, migrants, profs d’université, ONG, institutions internationales. Tout ce qui peut opposer un grain de lucidité à la fable officielle est marqué pour abattage.
Et le peuple, rassuré par les contes de grandeur et de sécurité, érige en prophètes des leaders qui oscillent entre gourous de pacotille et sociopathes en service commandé. Marchands de frayeur, ils n’ont pour compétence que la vocifération. L’illibéralisme ne tue pas la démocratie : il la décharne. Les élections survivent, les bulletins aussi, mais l’État de droit se vide comme un corps qu’on saigne doucement. Ne reste qu’un décor institutionnel, une façade rongée de l’intérieur.
Le danger est là : dans la lenteur du poison. Pas de putsch, pas de chars dans les rues. Juste une accumulation de lois « raisonnables », de décisions « pragmatiques », de discours « patriotiques ». Une dérive douce, presque soporifique. Et un matin, on se réveille dans une démocratie Potemkine : les citoyens votent encore, mais leur vote ne pèse plus rien.
Pendant ce temps, le cirque médiatique s’agite. Les commentateurs, perroquets diplômés, dissèquent les contorsions d’un narcissique lancé en roue libre, vénéré par des politiciens à genoux comme des tapis de prière devant une idole en carton. Cet homme, drogué aux flatteries, s’est déjà fait berner par Poutine avant de revenir, impassible, comme si l’humiliation glissait sur lui. Zéro leçon, ego stratosphérique. Et pourtant, les mêmes zélateurs persistent à le sanctifier, espérant ramasser quelques miettes de sa folie. Qu’il quitte la scène, qu’il emporte son vacarme : le monde respirera mieux.
Trump n’a pas « fragilisé » la démocratie américaine : il l’a dynamitée, pyromane jouant avec des allumettes dans une station-service. Les démocrates, paralysés par la trouille, scrutent les ruines au lieu d’arracher le briquet de ses mains. Pendant ce temps, le président capricieux danse sur les décombres, persuadé d’être un génie persécuté.
Et l’Europe, vieille dame trop courtoise pour hurler, s’avance à son tour sur le même chemin fétide. Les citoyens comptent leurs droits comme on compte les restes d’un portefeuille vidé. De nos jours, des politiciens vereux et des chefs d'état sans morale accueillent Poutine en grande pompe : le mafieux sentimental versera sa larme cérémonielle entre deux carnages, tandis que les dirigeants européens, somnambules engoncés dans leurs costumes, siroteront un whisky hors de prix en picorant des amuse-bouche. Dehors, la pauvreté frappe déjà à la porte, têtue comme un huissier venu récupérer ce qui reste.
Retour à l'accueil